Le secteur numérique est clairement à l’honneur cette année à la DFCG. Lors de son l’association a en effet remis le prix de Jeune Financière de l’année à Marie Best, CFO de la licorne française éditrice de marketplaces Mirakl. En 2020, elle a soutenu un impressionnant quatrième tour de table de 255M€. C’est Éric Heurtaux, directeur financier du spécialiste des services de paiement et transaction Worldline, qui a reçu le trophée de directeur financier de l’année, pour sa capacité à accompagner une forte croissance tant externe qu’organique. (Photo DFCG)
Pas d’applaudissements, mais des masques et une retransmission en ligne pour la 21e cérémonie des trophées du directeur financier de la DFCG (Association des directeurs financiers et du contrôle de gestion) le 16 décembre. À la fin d’une année 2020 particulièrement éprouvante pour les DAF, l’association et son jury ont fait un choix compréhensible, un brin inspiré de l’école des fans. Quatre des cinq candidats présélectionnés ont en effet été récompensés. Les deux prix principaux sont revenus à deux DAF du numérique, qui sont loin de se contenter de contrôle de gestion. Tous deux accompagnent activement la forte croissance de leurs entreprises. Marie Best, CFO de Mirakl a remporté le prix de la jeune financière et Éric Heurtaux, directeur financier de Worldline, le trophée du directeur financier de l’année. La première travaille dans une licorne française, éditrice de plates-formes et de market places, quand le second évolue chez un fournisseur de solutions de paiement et gestion de transactions financières.
Deux prix spéciaux sont par ailleurs revenus à Lorenzo Grandi, président finance, infrastructure et services et CFO de STMicroelectronics, pour l’ensemble de sa carrière, et à Thomas Behar, directeur financier groupe de CNP Assurance, pour la transformation de son service. Il est presque dommage de ne pas avoir remis un prix spécial également à l’autre jeune financier, seul candidat non primé. François Régnier, CFO du fabricant français de l’IoT de santé Withings, a en effet soutenu l’entreprise lors de son rachat puis sa revente par Nokia et sa reprise par son cofondateur Éric Careel. Il aussi contribué au redressement de l’entreprise entamé en 2019 et poursuivi, malgré la crise en 2020.
L’hypercroissance rime avec d’importants investissements en support de l’activité, des équipes commerciales. Mais pour que cette croissance soit saine, il faut contrôler les coûts, et nous avons des budgets pour ça. Marie Best, CFO Mirakl.
Marie Best, clé de voûte d’une levée de fonds majeure chez Mirakl
Mirakl propose depuis 2012 des plates-formes et marketplaces en Saas. Il a levé plus de 400 millions de dollars avec une série D historique réalisée en septembre 2020. Son montant de 255 M€ la valorise en effet à plus de 1,2 milliard de dollars. « Plus de 60% du e-commerce passe par une plate-forme ou une market place, explique Marie Best. Nous sommes en B2C sur cette partie e-commerce, mais aussi sur le B2B du fait de la transformation digitale des entreprises. » Le cœur de métier de la licorne s’appuie ainsi sur deux activités en forte croissance qui ont explosé depuis la pandémie.
« À la fin du premier confinement, on voyait bien l’accélération de notre activité autant en B2C que B2B, a raconté Marie Best. Nous y avons vu une opportunité d’accélérer la croissance, avec un bon momentum puisqu’il y avait pas mal de capitaux sur le marché. Avec les fondateurs, nous avons estimé qu’il fallait agir très vite et donc lancé un processus resserré. Nous avons démarré le tour de table dès le mois de juin et nous l’avons bouclé mi-septembre. » Comme le raconte la DAF de Mirakl, si les premières levées de fonds d’une entreprise comme Mirakl sont difficiles, car il faut démontrer l’intérêt du modèle, des tours de table pour des montants très importants demandent un process différent, mais tout aussi difficile. Il faut intéresser d’autres types d’investisseurs avec un niveau d’exigence très élevé. Un défi pour lequel il faut mobiliser les équipes en interne et bâtir le bon processus.
Accompagner l’hypercroissance, mais avec une bonne gestion budgétaire
« Quand je suis arrivée il y a 3 ans, nous étions 170 et nous n’avions levé que 20 M$, rappelle Marie Best. Depuis, j’ai trois priorités. J’accompagne cette hypercroissance avec des processus et des outils capables de passer à l’échelle et par le recrutement d’une équipe adaptée. Ensuite, je mets en œuvre une bonne gestion budgétaire, un contrôle des couts et une qualité de nos processus juridique pour toutes les opérations. Enfin, j’accompagne la stratégie sur le financement – dont les levées de fonds -, je prépare les business plans et je travaille sur la gestion des processus. »
Interrogée par Nicolas Berland, directeur du programme Executive MBA de l’université Paris-Dauphine PSL, sur l’apparente contradiction entre l’hypercroissance et une bonne gestion budgétaire, Marie Best répond fermement : « ce n’est pas parce qu’on fait d’importantes levées de fonds que toutes les vannes sont ouvertes. L’hypercroissance rime avec d’importants investissements en support de l’activité, des équipes commerciales. Mais pour que cette croissance soit saine, il faut contrôler les coûts, et nous avons des budgets pour ça. »
L’entreprise est en permanente croissance organique et externe et une bonne partie de mon énergie est consacrée à l’accompagner, explique le directeur financier en place depuis 4 ans. En plus du quotidien, nous devons intégrer de nouvelles sociétés, et nous avons une vraie compétence en la matière. Eric Heurtaux, directeur financier, Worldline.
Éric Heurtaux, garant de la synergie des opérations de croissance externe de Worldline
Pour l’ancienne filiale d’Atos, 2020 a aussi été une année très active. Après l’acquisition d’Ingenico en février pour 7,8 mds d’euros, elle est entrée au CAC 40 en mars, tout au début de la pandémie. Elle vient tout juste de prendre une participation majoritaire dans la 3e banque australienne, ANZ pour développer une activité de services aux marchands. « L’entreprise est en permanente croissance organique et externe et une bonne partie de mon énergie est consacrée à l’accompagner, explique le directeur financier en place depuis 4 ans. En plus du quotidien, nous devons intégrer de nouvelles sociétés, et nous avons une vraie compétence en la matière. » Il insiste sur l’importance de s’appuyer sur une équipe solide, mobile, agile avec un fort niveau d’autonomie et d’engagement, car la société est en perpétuelle réinvention.
Sélection des candidats et préparation en profondeur de l’intégration
Mais Éric Heurtaux avec son équipe est partie prenante des opérations de croissance externe depuis la sélection des entreprises candidates jusqu’à l’intégration dans le groupe. Il consacre ainsi beaucoup de temps à la sélection des cibles, processus essentiel selon lui pour créer de la valeur à partir d’une vraie synergie. « L’environnement du paiement est très fragmenté, a-t-il précisé. Nous examinons donc beaucoup de dossiers et en rejetons beaucoup. Mais une fois la cible choisie, nous travaillons en profondeur sur le plan d’intégration. Il se trouve que dans notre métier, la conformité à la réglementation des fusions-acquisitions prend un temps très long, et nous le mettons à profit pour ce travail de préparation. Et dès que l’opération est validée, nous pouvons très rapidement démarrer. »
Emmanuelle Delsol