Visite du centre écossais de reconditionnement des technologies de HPE qui remet en état les matériels d’entreprise, de toutes marques. Objectif : préserver la planète, mais aussi les finances des entreprises, en revendant les équipements au meilleur prix. Sur le site, pas de robots, mais 209 employés de haut niveau et une traçabilité à toute épreuve. Visite au coeur de cette machine à reconditionner les machines.

Nous sommes à Erskine, au cœur de l’Écosse. L’immense bâtiment HPE Financial Services est installé à quelques kilomètres à peine de Glasgow, au pied des highlands. En 2011, Jackie Rafferty, l’actuel directeur des opérations du Technology Renewal Centre (TRC), a en effet convaincu le géant américain d’y maintenir et d’y développer son activité de reconditionnement d’équipements informatiques d’entreprise pour l’Europe. Cette ancienne usine de PC Compaq (acheté par HP en 2002) s’étend sur 15 000 m2 (un peu plus de deux terrains de rugby). 209 employés déballent, manipulent, auditent, testent, débarrassent de leurs données des centaines de PC, laptops, écrans, imprimantes, serveurs, équipements réseau, etc. Une activité qui cible les trois objectifs écologique, social et financier du développement durable, auxquels il faut ajouter l’indispensable respect du RGPD.

570 millions d’euros récupérés par les clients

Depuis 2018, les clients de HPE Financial Services ont récupéré environ 570 millions d’euros (631 millions de dollars) avec le reconditionnement de leurs équipements au travers des deux nouveaux programmes Asset Upcycling Services et Accelerated Migration. Le premier dispositif consiste à reconditionner pour revendre. Dans le cadre du second, HPE rachète l’infrastructure de l’entreprise pour lui louer afin de la faire évoluer technologiquement au meilleur coût. Quand une partie du parc est obsolète et doit être remplacée, la valeur récupérée par reconditionnement est investie dans de nouveaux équipements. Les deux débouchés représentant chacun environ 50 % de l’activité du site écossais.

 Jacky Rafferty, directeur des opérations du Technology Renewal Centre de HPE FS en Ecosse (Photo E.Delsol)

Les entreprises envoient les appareils dont elles n’ont plus l’usage pour qu’ils soient reconditionnés. « Attention, ils ne sont ni réparés, ni complétés, insiste Jackie Rafferty, mais nous les testons et les vidons de leurs données. » Seuls 12 % doivent finalement partir au recyclage dans une unité spécialisée en Allemagne, le TBO (Take Back Organisation). Et au bout du processus, les résidus ne représentent pas plus de 0,4 % du poids total.

Au cœur du dispositif

Tout commence sur les quais d’accès à l’entrepôt, derrière de grands rideaux de fer rouges. La logistique est assurée par le client. Ses camions livrent les palettes d’équipements souvent emballés en vrac. Tout est immédiatement déballé et les équipements sont triés par marques et catégories. D’un côté, les équipements de bureaux organisés par PC, moniteurs, imprimantes. D’un autre côté, les serveurs et équipements de stockage et réseau. Ces derniers nécessitant un traitement plus complexe et souvent plus sécurisé. 83% des machines de bureau sont des équipements HP contre 42% de HPE seulement pour les datacenters.

Le démontage, l’étiquetage des pièces, les tests peuvent ensuite commencer. Le traitement des données fait l’objet d’une attention minutieuse, RGPD oblige. Sur les PC, elles sont au minimum anonymisées, ou elles sont écrasées, une, trois ou sept fois suivant le niveau d’exigence précisé contractuellement par le client. Plusieurs techniciens contrôlent sur leurs consoles des dizaines d’écrans alignés sur lesquels s’affiche la progression de l’opération qui dure entre 1 heure 30 et 4 heures. Les éléments de stockage serveur, eux, sont dirigés vers une salle blanche sécurisée. Un employé y trie et efface ceux qui sont en bon état. Quant aux supports inutilisables, il les scanne avant de les faire avaler à une machine à démagnétiser. À chaque fois, un certificat d’anonymisation et de destruction des données est délivré.

Un minutieux effacement des données, RGPD oblige

Une des surprises sur ce site de reconditionnement, c’est l’attention minutieuse portée à la question des données. Le RGPD est une préoccupation majeure et la sécurité du site de haut niveau. « La durée de traitement des supports de stockage, par exemple, doit être la plus courte possible pour assurer la sécurité des données, insiste Jackie Rafferty. On voit l’importance prise par ce sujet, car de plus en plus de clients de tous types nous demandent ce dernier type de prestation, et non plus uniquement les secteurs de la finance ou la Défense. »

Crucial, l’effacement minutieux des données conforme au RGPD (photo E.Delsol)

C’est le cas de Philips, d’un aéroport britannique et d’un industriel de la chimie, par exemple. Tous les employés du TRC ont une habilitation du gouvernement qui leur donne le droit de réaliser ce type de travail. Et l’espace de traitement des équipements est entièrement entouré d’un grillage de 2,20 m de hauteur, avec seulement trois issues toutes assorties d’un digicode. À l’heure de la pause, pour boire son café ou s’affronter au tennis de table, les techniciens doivent sortir de cet enclos.

No robots

Autre surprise, lors de la visite, à l’heure des entrepôts tout automatisés, c’est l’absence totale de robots à Erskine. « Non, nous n’avons aucun robot, confirme fermement Jackie Rafferty avec une fierté tout écossaise. Le process est bien trop complexe. Et tout repose sur l’expertise hors norme de nos employés très expérimentés. » Au détour d’une allée, il désigne l’une des techniciennes affairée à trier et tester des disques durs. « Allison travaille ici depuis 24 ans. Avant même de toucher un disque dur, elle sait de quel modèle il s’agit. » Sans s’interrompre, l’employée sourit.

Jackie Rafferty ne tarit pas d’éloges sur ses équipes dont il vante l’expertise « world class », « best in class », clé de sa réussite. Les visages sont marqués par le temps. Non seulement ce ne sont pas ceux de robots, mais la majorité est plutôt senior. Aucun lot reçu d’un client ne ressemble au précédent. En nombre et en mix de modèles d’équipements et de marques … Impossible donc d’automatiser le tri à l’arrivée. Mais il n’est pas plus simple d’analyser, trier, tester et configurer des machines qui arrivent au pays du Whisky avec 6 mois à 25 ans d’âge ! L’entrepôt héberge d’ailleurs quelques raretés le jour de la visite, comme un Alpha Server Compaq, des serveurs Sun, et même un Vax… Back to the future.

Aucun robot, mais des employés expérimentés pour garantir l’efficacité des process (photo HPE)

L’expertise et l’expérience des employés, clés de la qualité

Seules des équipes expérimentées dans les techniques les plus anciennes comme les plus récentes, de la machine à l’OS, capables de les distinguer d’un seul coup d’œil assurent un processus rapide et efficace. Mais ce n’est pas tout. « Je peux aussi affecter n’importe quelle personne à n’importe quel poste en fonction des arrivages, » confirme le directeur des opérations. Un entrepôt avec 209 employés majoritairement seniors et pas un seul robot… Jackie Rafferty revendique haut et fort sa différence.

Tracer tous les composants pour calculer précisément la valeur résiduelle des équipements

Les techniciens s’affairent autour des différents composants pour les analyser et juger de leur état, mais aussi pour calculer le plus précisément possible la valeur résiduelle globale de l’équipement. Chaque pièce est étiquetée avec un « asset tracking number » et tracée du début à la fin du processus. Cette méthode permet de suivre étape par étape la progression du reconditionnement, mais aussi d’enregistrer l’état précis du composant, pour en déterminer précisément la valeur. Elle est en effet établie pour chaque pièce en fonction de son état final et du prix de son équivalent exact sur le marché. En agrégeant le prix des composants, HPE obtient ensuite une base de prix de revente pour l’équipement à proposer à son client. Il lui envoie un rapport détaillé de plusieurs dizaines de pages. Le résultat de la revente est partagé entre HPE et son client, mais l’Américain ne donne aucune indication sur cette proportion.

 Tous les composants sont étiquetés pour tracer toutes les étapes de test et donner une valeur précise à l’équipement (photo E.Delsol)

Réconcilier DAF et DSI

C’est d’ailleurs de la division HPE Financial Services dont dépend le site d’Erskine. L’Américain vend en effet ces services de reconditionnement comme des méthodes d’optimisation des coûts de l’infrastructure informatique. De quoi réconcilier DAF et DSI, qui sont d’ailleurs souvent les premiers intéressés dans l’entreprise. L’infrastructure n’est pas qu’un centre de coût difficilement amorti. Le bénéfice de son reconditionnement peut être réinvesti dans l’évolution du système d’information. Qui plus est, double effet bonus, la démarche est aussi un atout vert à présenter à la direction du développement durable, quand elle existe. Le reconditionnement évite de voir partir au rebut des équipements informatiques composés d’électronique, de métaux rares, de plastiques et caoutchoucs variés, etc. Mieux encore, comme le rappelle Mateo Dugand, Technologist, IT Efficiency and Sustainability pour HPE EMEA, « L’empreinte environnementale de la réutilisation des matériels est beaucoup moins importante que celle du recyclage. Ce dernier contraint en effet de repartir au début du cycle de fabrication, avec l’utilisation de nouvelles matières premières, l’utilisation d’énergie, etc. »

8 millions d’équipements traités dans deux centres

Erskine est le réceptacle de tous les équipements venant d’Europe. HPE dispose d’un autre centre de reconditionnement à Andover, dans le Massachussetts. Ce sont des partenaires qui couvrent les régions Asie Pacifique et Amérique du Sud. Depuis le démarrage de ses programmes en 2018, l’Américain a géré 8 millions d’équipements.  « Avec le RGPD et la sensibilisation plus forte au développement durable, notre activité est en très forte croissance, se réjouit Jackie Rafferty. Nous n’avions qu’une équipe de 8 h à 16 h. Je vais mettre en place une équipe de nuit, et nous allons sans doute aussi agrandir l’entrepôt. » Le TRC d’Erskine mise aussi sur la R&D et étudie le reconditionnement des nouveaux matériels. Ainsi, s’il abandonne progressivement le traitement trop ingrat et peu rentable des très éclectiques imprimantes de bureau, il a créé une salle de remise en état pour les imprimantes 3D. Au programme, remise en état et récupération de la matière première.