La journée de la facturation électronique, qui se tenait le 14 mars dernier, a été l’occasion pour Orange et Dassault Systèmes de revenir sur leur parcours de mise en conformité avec la réforme et d’inciter les entreprises présentes à entamer le leur dès aujourd’hui. Pour ce faire, les représentants des deux sociétés n’ont pas manquer de rappeler que cette transformation était longue et complexe. (Photo : de G à D, Inès Dupont-Allais (Orange), Geraud Ferrandier (La French Audit),Dossier facture électronique : Orange et Dassault Systèmes enjoignent les entreprises à démarrer leur mise en conformité Octavie Vericel (Quovive), Jean-Nicolas Fiatte (CPDP), Cyrille Sautereau (FNFE-MPE), Jean-François Praud (Dassault Systèmes). Crédit : FNFE-MPE).
Intervenant durant la journée de la facturation électronique (14 mars 2022), Inès Dupont-Allais, directrice du programme digitalisation des factures B2B France chez Orange et Jean-François Praud, directeur des achats chez Dassault Systèmes sont revenus sur les transformations en cours au sein de leurs entreprises. Si tous deux s’accordent à dire que la réforme de la facturation électronique engendrera un gain de temps et de productivité, ils n’hésitent pas à rappeler que le projet est complexe, onéreux et qu’il est nécessaire de s’y atteler dès aujourd’hui.
Une transformation complexe avec une forte composante fiscale
« Nous avons commencé à travailler sur la réforme de 2024 dès 2021. Nous pensions au début que le projet était avant tout technique. Rapidement, nous nous sommes rendu compte qu’il contenait beaucoup de fiscalité et qu’il était bien plus compliqué qu’il n’y paraissait, raconte Inès Dupont-Allais. Orange a alors commencé par réaliser un inventaire complet de ses SI facturiers, de ses clients et (un comptage) ses factures??. En plus de cela, nous avons dû nous assurer de la qualité des données que nous possédions. Demain, le Siren et le Siret seront des informations structurantes, il est impératif que ces numéros soient fiables, continue la directrice IT. Cette mise en conformité entraîne des coûts et investissements conséquents. Chez Orange, le projet se chiffre à plusieurs dizaines de millions d’euros ».
Si Dassault Systèmes est moins rentré dans les détails, Jean-François Praud a tout de même expliqué qu’en prévision de la réforme, l’éditeur avait formé une équipe projet regroupant des membres de services s’occupant des clients et des fournisseurs, ainsi que des fiscalistes. Ce groupe était par ailleurs accompagné, sur la partie technique, d’un partenaire éditeur, possible future PDP (plateforme de dématérialisation partenaire).
Avec des millions de factures à traiter, Orange sur tous les fronts
Orange traite 30 millions de factures annuellement et le même volume de transactions en BtoC, qui entrent dans le cadre de l’obligation de e-reporting. Si cela représente un défi en soit pour l’opérateur télécoms, il doit également entamer une large migration des facturations BtoG (business to government) vers un des trois formats acceptés dans la réforme 2024 (UBL, CII, Facture-X). En 2017, une première réforme de la facture électronique a exigé du secteur public et de l’Etat la capacité de recevoir des factures électroniques. Orange n’avait eu d’autre choix que de s’y conformer puisqu’il compte à son portefeuille quelques millions de clients dans le secteur public. Problème, certains formats de facture acceptés dans la réforme de 2017 ne le sont plus dans celle de 2024, obligeant l’entreprise non seulement à « se mettre en conformité pour les factures BtoB, mais aussi à modifier le format de toutes les factures BtoG, explique Inès Dupont Allais. En 2017, nous avions tenu l’échéance, mais nous n’avions pas le même volume de factures à traiter ».
Avec pour volonté de « n’avoir qu’une seule « tuyauterie » d’ici à 2024 », Orange a fait le choix de s’interconnecter directement avec le PPF (portail public de facturation). L’opérateur espère aussi être retenu comme structure pilote pour la phase d’expérimentation qui aura lieu de janvier à juin 2024 afin « d’éprouver le dispositif et, pourquoi pas, de tester certaines PDP », continue la directrice de programme facturation électronique B2B.
La diversité des pratiques européennes complique la tâche de Dassault Systèmes
De son côté, l’éditeur français Dassault Systèmes, présent dans 140 pays, traite 150 000 factures annuellement en France et environ 20 000 à l’international. La difficulté de l’entreprise réside donc dans le traitement de ces dernières, soumises au e-reporting. D’autant qu’en plus d’être conformes aux réglementations des autres pays, elles doivent également l’être vis-à-vis de la réforme de 2024 en France. « La facturation électronique existe aujourd’hui dans de nombreux pays. Nous avons pu l’appréhender en Inde et en Italie par exemple. Mais chaque région du monde a ses spécificités et nous devons désormais nous adapter à celles de la France, explique Jean-François Praud. Pour cela, nous avons décidé de recourir à une PDP. Nous l’avons d’ores et déjà choisi et accompagne d’ores et déjà notre équipe projet facturation». Le directeur des achats n’a pas souhaité révéler le nom de la plateforme en question.
Tout comme Orange, Dassault Systèmes espère être retenu comme entreprise pilote afin « d’être à l’épreuve du concret et proactifs. Nous souhaitons en effet tester notre système dans les conditions de cas d’usage réels. Par exemple, nous aimerions savoir comme ça se passe en cas de refus d’une facture, comment faut-il procéder dans ce cas là ? De même, nous souhaitons nous assurer que le dispositif que nous avons choisi, à savoir recourir à une PDP, nous convient réellement », développe le directeur des achats. Malgré la complexité du projet de transformation, l’éditeur voit cette réforme comme une opportunité, un moyen d’avoir une visibilité complète sur l’activité de l’entreprise et d’être totalement transparent avec leurs partenaires, notamment sur le statut des factures.
Avant de rendre le micro, Inès Dupont Allais a tenu à encourager les entreprises à entamer leur mise en conformité dès aujourd’hui. « Cette transformation prend énormément de temps. Et même si vous faites appel à des PDP, elles ne feront pas tout le travail à votre place ».
Clémence Tingry