Face à une dégradation des délais de paiement inter-entreprises liés à la crise du covid-19, le ministère de l’Économie et des Finances crée un comité de crise avec la Banque de France et les organisations socio-professionnelles. Bercy veut ainsi endiguer le phénomène et résoudre, avec les médiateurs des entreprises et du crédit, les cas les plus graves. (DR Compte Twitter B.Le Maire)
Face à des « difficultés significatives récentes dans le règlement des achats de la part de certaines entreprises », le ministère de l’Économie et des Finances et la Banque de France ont décidé de créer un comité de crise sur la question du crédit inter-entreprises. Cette instance s’appuie sur le Médiateur des entreprises et le médiateur du crédit, et les représentants des organisations socio-professionnelles.
Empêcher l’aggravation du phénomène
Il s’agit pour Bercy de mesurer l’ampleur du phénomène, d’empêcher qu’il s’aggrave et d’identifier les cas les plus difficiles. « La médiation des entreprises a reçu depuis quelques jours l’équivalent d’environ un mois de saisines concernant en grande majorité des retards de paiement, » selon Pierre Pélouzet, médiateur des entreprises. Le comité est constitué du ministère et des deux médiateurs, ainsi que des fédérations d’entreprises (AFEP, CPME, MEDEF, U2P), les chambres de commerce et chambres des métiers, la DGCCRF et se réunira « autant que nécessaire, précise Bercy, par conférences téléphoniques ».
Il a pour mission d’identifier la profondeur de la détérioration des délais de paiement, de détecter les cas les plus manifestes et de trouver les moyens de mesurer instantanément la situation et d’informer sur la situation en matière de crédit inter-entreprises. Mais il est aussi chargé de trouver des solutions en particulier pour les structures les plus affectées par le report ou la cessation des paiements de factures. Les médiateurs des entreprises et du crédit rappelleront les moyens dont ils disposent pour résoudre certaines difficultés de ce type. Les représentants des organisations socio-professionnelles seront chargés du rappel à l’ordre auprès des « entreprises dont le comportement est anormal ». Enfin, à l’inverse, ce comité valorisera « les entreprises s’engageant volontairement dans la solidarité économique ».
Mise en avant des bons élèves
Pas de « name and shame », de pointage du doigt des mauvais élèves, au programme, cependant. « Ce n’est pas l’objectif pour l’instant, insiste Pierre Pelouzet. Nous allons d’abord mettre en avant ceux qui ont de bonnes pratiques. » Plusieurs grands comme le spécialiste de la donnée Jouve, Iliad, la maison mère de l’opérateur télécoms Free ou L’Oréal ont tous affirmé qu’ils paieraient leurs plus petits fournisseurs avant échéance.
Les grandes entreprises dans le viseur
Les deux médiateurs le confirment : la question se concentre chez de grands acteurs qui travaillent avec des petits. Et c’est sur eux que se focalise le comité de crise. « Tous ont des PCA (Plan de reprise d’activité) qui concernent tout ce qui est opérationnel, insiste Pierre Pelouzet. Comment produire ce qu’il faut produire, comment gérer le télétravail ou les machines à l’arrêt… Ces PCA doivent aussi intégrer les modalités de continuité de paiement des fournisseurs. Au même niveau de priorité que la continuité de production ! Actionnons ces PCA pour payer le plus vite possible ces petits fournisseurs !»
Les fédérations professionnelles pour passer le message
Le comité va identifier ces pratiques « anormales ». Il s’appuiera sur les pairs des entreprises concernées, les autres chefs d’entreprises, pour contacter rapidement leur dirigeant ou leur DAF. « Ils leur rappelleront qu’on ne constitue de la trésorerie de cette façon, précise Pierre Pelouzet. Des moyens ont été mis en place, comme les prêts à taux très bas couverts par la garantie du gouvernement. » Si le comité ne compte pas dévoiler les noms de ces sociétés, il fournira régulièrement des éléments économiques sur ses remontées.
Le comité permettra d’identifier les entreprises visées par plusieurs fournisseurs quant à leurs pratiques. Un gain de temps et d’efficacité. Ce sont là encore les fédérations professionnelles qui informeront le comité des difficultés de certaines entreprises. C’est par elle qu’une société mise en difficulté par un ou plusieurs fournisseurs devra passer. Les cas urgents pouvant saisir la médiation des entreprises.
« Pas question de syndrome du stock de pâtes dans les grandes entreprises »
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France indiquent que « le comité de crise permettra de traiter en temps réel les cas les plus graves de détérioration du crédit inter-entreprises et d’encourager, au travers de leurs représentants, les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs à fluidifier leurs relations commerciales, en veillant à la santé des petites et moyennes entreprises, plus fragiles en général que les grandes entreprises sur l’état de leur trésorerie ».
Les médiateurs des entreprises et du crédit, Pierre Pélouzet et Frédéric Visnovsky ont tenu à rappeler que « la solidarité économique va être primordiale pour que les PME, TPE, artisans en particulier puissent tenir » et que « la BCE a mis toute la liquidité nécessaire à disposition et donc tout le monde doit se comporter avec mesure ». Pour Pierre Pélouzet, « Dans une grande entreprise structurée, on ne doit pas avoir à accumuler de la trésorerie « en prévision ». Ne reportons pas la charge sur les petites structures. On ne doit pas retrouver dans les grandes entreprises, le syndrome du stock de pâtes dans les magasins.»
Emmanuelle Delsol